VIDE COCO-19 ----- PRINCE DU TEMPS
Paco Chabrié
Je suis bi ! Français de naissance, espagnol d’adoption, dans les interstices des administrations européennes. Cela fait bientôt 14 ans que je réside à Madrid.
Je suis marié avec 3 enfants : Noé 9 ans, Joan 7 ans et Mael 3 ans, que des garçons (je suis le loup).
Sociologue de formation, je suis professeur de Sciences Économiques et Sociales au lycée français de Madrid. Eh oui, je zoome aussi des cours à distance, et je donne à comprendre le monde à mes élèves confinés et à vrai dire bien déprimés.
À la maison, nous faisons société assez bien en alternant les activités. Personnellement, j’ai repris l’écriture, en trouvant du temps par ci par là. Et c’est une bouffée d’oxygène, je m’évade.
23 mars 2020
L’auteur précise sur le titre évoque"vide grenier", une manière d'expulser toute les "vieilleries" qui nous encombre la tête.
VIDE COCO-19
Oh virus
Petit intrus
Je te savais quelque part
Très loin sur la Terre
Mais l’autre bout c’est l’enfer
Et sur l’écran c’est moins net
Je ne voyais pas où Wuhan était
Ni vraiment où j’en étais
Oh virus
Je te savais semer l’émoi
Chez 11 millions de gens
Mais chez l’autre c’est pas moi
Et les gens n’ai rien à faire
Oh virus
Eh te voilà! Hop!
Mais que fais-tu dans ma botte ?!
Euh ? Toi aussi tu m’en veux de l’Europe ?
Tu n’as donc plus de frontières ?!
Oh migrant ! Oh migraine!
Oh virus !
Virus lent virulent
Sur les pieds de mon lit
Tu grimpes tu grimpes
Lentement dans mon dos
Tu me courbes l’échine
Oh virus
Cosinus du sinus
Par le bout de mon nez
En moi tu t’insinues
Je suis tout réfugié
Dans ma tête c’est confiné
Je ne sais plus où en était…
Oh virus
Souris chauve et atroce
Tu me ronges les os
Combien vas-tu continuer ?
Où veux tu m’emmener ?
Quelle est notre destinée ?
Oh virus
En phase terminus
Par pitié que les grands
D’accord les souffrants...
Mais ne touche pas nos enfants !
Et s’il te plaît descends de l’écran
Par pitié un peu d’indulgence
Les gens ne sont pas si méchants
Ho ! Virus !
P’tit minus
Redonne-moi ma place
Dans la danse dans la ronde
Et reprendre mon rythme
Ma marche ma course
J’ai en corps le marché !
Oh ! Virus !
Tout blafard tout camus
Je me vois dans la glace
Pantin lisse à patins
Je règnais sur les grandes surfaces
C’était moi la face
C’était moi le monde
Le pangolin qu’on accuse
C’était moi la p’tite bête
Qui démonte qui démonte
Et cetera et c’était rat…
Oh virus
Oh stress ! Oh détresse !
Je crains bien d’autres fatras
Dont on ne se remettra
Sans urgence de l’État
Sans conscience du substrat
Sans Zarathoustra
Sans physique du méta
Sans résilience existentielle
Bref, sans le sens du bon commun des mortels.
Oh virus
Petit pas si minus
Dans ta barre d’immeuble
Dans tes containers de tonnerre
Dans ton paquebot tout beau
Dans tes buildings bling-bling
En pantoufles ou en tongs
En pétard ou en costard noir
Ou encore en col Mao Zedong
Tu sonnes déjà le glas
Glagla glagla glacial
En sourdines ding dong
Dindon de la force clinique
Farce sans pardon, Titanic
Tu prépares sans panique
Et en grandes pompes funèbres
Ton retour mortifère
Oh virus
Sac à puces
Tu es en forme ma tique
Celle que j’appelle « ma pomme »
Acarien de l’informatique
Suceur de bits chromosomiques
Qui fait de moi un homme
Un véritable spectacle d’oracles
The one billion man chaud tic tac
Je like ta face de bouc
Moi qui n’étais qu’un plouc
Tu as du goût de la gueule
Je te tiens par la barbe et j’achète
Et plus tu me souris plus je claque
Et plus tu galopes plus je salope
Mon amas, ma zone, mon ozone
Ho! virus!
Sale détritus !
Dans ta propre maison
Ça rutile d’argent !
Ça brille d’écailles ! Rats mondains !
Ça pue le poison !
Barracuda dans ton banc
Sardine dans ta boîte
Poisson volant dans ta caisse
Maqueron en bataillon
Cols bleus blancs et même rouges
Plus rien ne bouge !
Ho ! Virus !
Homo economicus
Goinfre de l’offre et de la demande
Dans nos cerveaux tu commandes
Jamais donc tu ne capitules
Tu es le capitaine somnambule
Le cannibale noctambule.
Ton étoile de merde
Est la grande Bourse
Dont tu maitrises toutes les courbes
L’alpha et l’oméga des bulles
Dont tu nous affabules
Et nous spécules et nous encules
Et t’accumules tête de mule
Oh virus
Sacré habitus
Des coutumes et des us
Te voilà patatras !
Retombé en arrière
Sur le cul sur tes pattes
Isolé de l’immonde
Relié par la toile à tes gens
Relayé à distance suffisante
Sur ton île jadis paradisiaque
Et désormais eh pardi !
Désolé insomniaque
Ô virus
Géant minus
Je te vois vendredi
Au milieu de l’océan
Sous un ciel clément
En transit transigeant
Et sans colère je comprends :
Je ne suis rien sans les gens
Et je suis toutes les étoiles !
Je persiste dans le néant
Et si mon cœur ne se rend
C’est qu’il bat encore quelque part
Pour et par toi
Oh virus
Depuis les nimbus
Je te vois sur la Terre
Comme tu prolifères
Vivre et te répandre
Jusque dans l’atmosphère
Vivre sans répondre
Comme s’il n’y avait plus rien à faire
Oh virus
Baraka Eurêka !
Je sais à quoi tu rimes :
Ta baraque est ta barque !
Qu’on coupe le moteur !
Qu’on affale les voiles !
Et qu’on reprenne nos rames !
Ô virus
Cessons donc ce pataquès !
Allons enfants de la fratrie
Le jour de gloire est arrivé
Contre nous de l’humanité
Le drapeau blanc est levé !
Entendez-vous de vos fenêtres
Le printemps qui vient renaitre ?
Et les sangliers se repaîtrent
D’un ciel plus pur et plus bleu
Que les oiseaux font en rêve ?
Ho virus !
Homo sapiens erectus
Trêve d’insanités !
Crève de morbidité !
Ouvrez bien vos trois oreilles ...
Songez-vous aux douze singes
qui s’inquiètent sagement du déluge
regroupés en bataille et remontés
dans leurs arbres menacés ?
Avons-nous encore le temps ?
Regardez mon ami l’orang-outan
accroché à ses branches
qui le retiennent encore un temps
et qui ressasse sur le sol
les yeux rougis de sang
des noix de coco vides...
Et les giraphes que j’aime vraiment beaucoup
et qui me demandent les yeux plein de soucils
quelle est leur faute ? et est-ce si grafe ?
Et dans ce bref et sourd tintamarre
qui pense aux grenouilles à grande bouche dont on se marre
et qui veillent sur leurs nénuphars
tandis que dorment les crocodiles
en cauchemardant les femmes
et leurs bottes en peau de crocos vides ?
Et j’en passe des rhinocéros moins féroces
tronçonnés de leurs cornes aphrodisiaques
par des petits bras braconniers
pour des petites bites d’habités.
Et tous ces animaux qui attendent leur holocauste
qu’on les accoste qu’on leur coupe le cou
qu’on les sélectionne à moindre coût
à qui le premier à qui le dernier
d’être comme le zèbre, rayés de la carte
d’être comme la vache, hachés et chiés menus.
Combien de poules d’or ? Combien de chiens noirs ?
Combien de libellules vertes ? Et de cellules fermées ?
Combien de nids truffés de balles ? Et de murs criblés de crimes ?
Enfin entendez-vous à présent la plainte des baleines rouges
dont l’écho résonne dans le vide ?
Faut-il donc que je me taise ?
Anthropocène cynique
Ou faut-il qu’on les baise ?
Qu’on les nique ?
Foutaises !
Et tu voudrais que je m’écrase ?
Oh punaise !
Qu’à mon tour je me taille ?
Vautour ! Vaurien ! Détail !
Qu’on retourne le sablier ?
Qu’on vide le cendrier ?
Sanglier sanglant
Anthropophage chronophage
Homnivore à dents de scie
Silence ! Occident accidenté
Tais-moi ! Il est temps que je m’en aille
Moi la bête obscène, la vieille canaille
Que je reprenne mes cliques et mes claques
Et que je sorte de la scène en cloques
Oh virus
Mordicus
Quelle est donc cette corde ?
Ce serpent que je mords
Qui me tombe dessus
Qui me colle au cul
Et qui me pend au nez
Ô virus
Quel est donc ton motif ?
Virus lent virulent
Silence on s’retourne
Dans la tombe purulents
Silence on se tue
Motus !
Écoutez donc voleter les mouches
En découdre avec notre bouse
En nous cousant la bouche
Courage animaux !
Je ne vous laisserai pas tomber
À demi-morts, à demi-mots
Ô virus
Mon p’tit angelus
Voilà bien des lustres
Et quelque part des astres
Que je te libère Terre
Que je te salue Terre
Terre à taire
Sans frontières
À la vie à la mer
Ô virus
Grand malotru bien au trou
Grand bien nous fusse
À nos vies bien trop rustres
Et c’est pour toi
Miss Terre
Mystère
Qu’enfin mort
Je vais me taire
Je vais me terre
-----------
26/04/20
L’auteur précise le contexte: "Première heure d'autorisation de sortie avec les enfants après 6 semaines enfermés à la maison
PRINCE DU TEMPS (1)
Voila un mois
Que je sors pas
Autant de jours
Qu’il y’a de vers
Que tu es beau
Quand t’es humain
Petit prince blanc
Quand tout est vert
Que tu es belle
Entre mes deux mains
Princesse d’argent
Entre tous ces gens
Croisons nos doigts
Nid d’hirondelles
Des pays noirs
Aux pays blancs
Car il est temps
C’est le printemps
Qui nous attends
Depuis longtemps
J’aime tes couleurs
Nations en fleurs
Et tes drapeaux
Quand tu fais beau
J’aime dans tes bras
Sentir ta peau
Quand je te croise
Quand tu m’effleures
Ca fait qu’une heure
Que je te vois
Ce fut pour moi
Que du bonheur
© Mosaïque - Jean-Pierre Coiffey 2020