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DE QUOI DEMAIN SERA FAIT ?

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Laura Amélio

J’ai 32 ans et je suis en couple. Je suis italienne et je vis actuellement en Italie, à Turin, après quelques années passées en France et au Canada.

Avant la pandémie, j’ai pas mal travaillé dans le secteur culturel, tout en poursuivant ma deuxième activité d’enseignante d’italien, langue étrangère. Pendant la crise j’ai pu continuer à donner des cours via Skype, ce qui me fait sentir assez chanceuse par rapport à d’autres gens qui vivent des situations bien plus tristes et compliqués.

Le confinement m'a donné la possibilité de beaucoup lire, de suivre des formations en ligne, de pratique le yoga et de scruter mes voisins depuis mon balcon. Avant, je n'avais pas vraiment pris le temps de regarder toutes les personnes qui vivaient autour de moi. En revanche, pour ma famille à Rome cette période a été bien plus dure à supporter. L'ennui et le sentiment de solitude ont fait multiplier les appels, les messages et les demandes d'attention.


 

Le 2 mai 2020

Dans le Nord de l’Italie la vie s’est arrêtée au mois de février. Le reste du pays a suivi quelques semaines plus tard.

Au début, cela ne m’inquiétait absolument pas, je me disais qu’on oublierait cette histoire au bout d’un mois maximum. Aujourd’hui, la réalité est bien différente mais je garde un brin d’insouciance face à cette pandémie.

J’ai vu des gestes de solidarité se multiplier partout, en Italie comme à l‘étranger. Soudain l’être humain s’est rappelé de ses voisins, de ses collègues, du personnel soignant et du monde tout autour à qui il n’avait pas particulièrement pensé depuis un moment.

Notre quotidien chargé nous fait oublier que nous ne sommes pas seuls sur cette planète. Et c’est quand nous comprenons que nous sommes des êtres fragiles et impuissants face à de tels évènements que nous nous réservons le droit d’utiliser le mot magique « entraide ».

Ce mot je ne l’aime pas. Et je ne l’aime pas car je trouve qu’il est souvent accompagné de mauvaise foi. Tous les jours, les médias nous dressent des listes interminables de bonnes actions : il y a ceux qui applaudissent depuis leur balcon le personnel soignant ; ceux qui écrivent et qui postent des jolis messages d’amitié sur les réseaux sociaux ou encore ceux qui fabriquent des masques…

De mon côté, je me pose inévitablement des questions. Avant le grand confinement, où étions-nous quand nos voisins vivaient des galères ? Où étions-nous quand des milliers de gens travaillaient dans des conditions exécrables ? Où étions-nous quand le petit commerce du quartier fermait ses portes car la clientèle se ruait dans les centres commerciaux ou sur Amazon ? Où étions-nous quand la nature nous lançait des signes évidents de détresse ? Où étions-nous quand des millions de gens n’avaient pas accès aux soins ?

Nous étions chez nous, dans notre confortable quotidien trop chargé. Nous avons cette mauvaise habitude de ne retrouver notre humanité que lorsque nos intérêts sont en jeu. Alors, de quoi demain sera fait ? Que restera-t-il de toute cette belle solidarité ?

© Mosaïque - Jean-Pierre Coiffey 2020

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