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TÉKI, TÉOU ET TUFÉKOI SONT EN BATEAU...

            ET AUTRES CAPSULES COVIDIENNES

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Jean-Pierre Coiffey

Je vis depuis 10 ans à Montréal, mais cet été je n’irai pas revoir ma Normandie où en raison de la pandémie. Mon pays d’adoption est le Québec ; ses magnifiques paysages, son fleuve, ses rivières et ses lacs seront autant de destinations de camping.

Disponibilité résume mon projet de retraité : à moi-même, aux autres, aux imprévus de la vie. Je m’active raisonnablement en tant que bénévole dans divers organismes : d’aide internationale, de défense des droits humains, culturels… et je profite de la multitude des offres de loisirs qu’offre une grande ville cosmopolite.

Je déjoue le confinement en ayant lancé puis en administrant le présent blog, dont l’objectif premier est d’établir des liens entre des personnes de bonne volonté au-delà des barrières des frontières.

 

1er avril - 1er mai ou du Poisson d’avril au brin de muguet


 

1er avril 2020,

TÉOU, TÉKI ET TUFÉKOI SONT DANS UN BATEAU

Au début de ce siècle, avec la généralisation des téléphones mobiles - cellulaires - (pas encore intelligents, qui ne servaient donc qu’à se parler), le premier mot prononcé par un porteur de ce joujou sans fil (à la patte) qui joignait un autre abonné étaient inéluctablement un « T’es où ? » puisqu’il était fort probable que son correspondant n’était pas rivé chez lui à attendre quelque sonnerie de son téléphone fixe.

Je faisais partie de ces Téou, humanoïdes mutant au taux de reproduction exponentiel.

 

À cette époque, mon travail de consultant me conduisait régulièrement dans des établissements de vie et de soin pour des personnes souffrant de troubles mentaux ou de déficiences profondes. Et inexorablement, quel que soit le nombre de nos rencontres passées, j’étais accueilli, par des tonitruants « T’es qui ? ».

Les Téou et les Téki se côtoyaient fort peu, même si tous étaient dans le même bateau de la vie.

 

… TÉOU TOMBE À L’EAU !

De lointaines contrées totalement inconnues des « Téki », arriva la Covid-19 qui terrassa les «Téou» en aussi peu de temps qu’il n’en avait fallu pour décréter le confinement généralisé de tous les bipèdes nomades (et de quelques quadrupèdes domestiques). Le virus eut cette propriété encore mal étudiée de faire muter les « Téou » en des « Tu fais quoi ? ». On ne se méfie jamais assez des téléphones dits intelligents !

Mais les « Téou » n’ont pas dit leur dernier mot et attendent, avec une certaine impatience, le déconfinement pour prendre leur revanche et faire tomber de la chaloupe les « TuFéKoi ».

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Le 3 avril 2020, 

69 ANS ET CONFINÉ

 

3 avril, je fête mon anniversaire en étant confiné. J’ai convié des amis de France et des amis du Québec à des Zoom, avec un verre à la main. Je contribue ainsi à ce que la courbe ascendante des dividendes des actionnaires de cette entreprise suivent celle de la pandémie...

J’ai 69 ans. La numérologie, à laquelle je ne crois pas, m’assure que la vibration de ce nombre favorise une certaine chance et protection. J’aurais préféré l’emploi d’un adverbe plus affirmatif ! Le chiffre 6 est le symbole de l'harmonie. Il représente l'équilibre, la compréhension, le bonheur... Le chiffre 9 représente l'humanité, l'altruisme. Il symbolise la générosité, l'idéalisme et les vocations humanitaires. Je nous souhaite que ces valeurs imprègnent toute cette année 2020. Mais le chat de Geluk, humoriste belge, s’est trompé en prophétisant en décembre 2019, qu’une année qui s’écrivait Vin Vin serait promesse d’ivresse ; c’était plutôt Vain Vain.

69 est un chiffre qui se lit à l’identique que vous le regardiez de bas en haut ou de haut en bas. Le monde de la pandémie y ressemble car on ne sait plus par quel bout le prendre, on est «tout mêlé». Nous avons plongé dans un monde qui a basculé «cul par-dessus tête». Ainsi, les hommes politiques qui avaient toujours prôné une mondialisation généralisée et le libre marché nous parlent de l’absolue nécessité de relocaliser des biens de première nécessité, alimentaires, pharmaceutiques, etc. Le premier ministre du Québec élève les personnels hospitaliers de santé au rang d’«anges gardiens» auxquels il ajoutera les préposés qui assistent impuissants à l’hécatombe des personnes âgées qui leur sont confiées en résidences médicalisées, puis les employés des magasins d’alimentation, les livreurs à domicile, les éboueurs, etc. On découvre que tous ces métiers de l’ombre sont en fait essentiels au maintien de notre vie ! Les premiers de cordée doublés par les premiers de corvée. Les plus mal payés et les moins considérés en temps ordinaires sont les héros des temps pandémiques. Toutefois, l’histoire officielle ne dit pas que les « anges gardiens » sont à 90 % des « anges gardiennes » ni qu’une majorité d’entre elles sont des personnes racisées (en tous au Canada). 

Une question se pose : « qui sont ou seront les anges gardiens des anges gardiens ? ».  Qui prend soin des aidants ? Pas les gouvernants en tous cas. Une nouvelle fois, la patrie ne sera pas reconnaissante et refusera, au sortir du confinement, de régulariser leur statut d’immigration. Autre exemple de ce temps troublé, les Libéraux du toujours-moins-d’État mettent en place des politiques publiques avantageuses de redistribution pour assurer un revenu d’existence aux privés d’emploi !  Je me pince pour m’assurer que je ne rêve pas, mais je doute que cela bien aller au sortir du confinement et que La Covid soit à elle seule plus forte que les syndicats, les partis de gauche, les mouvements sociaux surtout pour changer en profondeur notre monde. 

Le jour où j’écris ces lignes, je reçois un nouveau témoignage. Dans mon archivage, son texte va porter le numéro 68. Le mien sera donc le 69. Y a pas de hasard !

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Nuit du 7 au 8 avril 2020,

NUIT DE PLEINE LUNE ROSE

 

Chaque printemps, la pleine lune est la plus étincelante et la plus brillante de l’année en raison de sa plus grande proximité avec la terre. Elle est nommée lune rose par les Japonais, car elle coïncide avec la floraison des cerisiers. Bon, cela dépend où on se trouve sur la planète. Au Québec, pour les cerisiers en fleurs, nous allons attendre un peu... Les Autochtones du Canada nomment cette période «pré-printemps», mais c’est plutôt un «post-hiver» auquel nous avons droit cette année !

Le pire n’étant jamais certain, la Nature nous offre un ciel dégagé avec une superbe lune rose, orangée plutôt. J’écris un petit haïku sans prétention pour une amie, danseuse de la lune. Ce soir, au Nunavik, territoire des Inuit, elle regarde dans la même direction que moi.

Lune rose de printemps

Dans le ciel étoilé

Nos souvenirs s’estompent

 

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1er mai 2020,

ANASTASIA

Au bord du petit lac

du parc Lafontaine

un accordéon

joue des airs aux accents slaves

mélancoliques et nostalgiques

qui bercent ma méditation


 

Ballet des cols verts

ne respectant pas

les distances réglementaires


 

Jeune musicienne ukrainienne

tu dédies ta musique à tes grands-parents

restés seuls au pays de l’oubli

où la Covid

ne fait pas grand bruit


 

De ce moment exquis

en ta compagnie

dans la douceur du soir

je te remercie

de ce brin de muguet

pour un premier mai

bien muet cette année


 

NB : effet inattendu de la Covid-19 : je n’avais jamais tenté d’écrire un poème. Indulgence donc.

© Mosaïque - Jean-Pierre Coiffey 2020

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