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DOMESTIC

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Aleka Manolas​

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Je suis artiste.

 

J’ai vécu en Allemagne, France, Espagne, Grèce. Partie avant la pandémie, je reste en Grèce jusqu'à ce que je puisse voyager.

 

J'ai été illustratrice, et j’ai coréalisé beaucoup de livres pour Gallimard Jeunesse. J'écris des pièces de théâtre ; avec une petite troupe nous avons joué une pièce à Berlin.

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Pendant presque 2 ans, j'ai travaillé dans la Ingobernable, centre social urbain, aujourd'hui fermé.

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le 11  mai 2020,

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Temps printanier enfin en Grèce, dans un petit village sur une île. Le Coronaiou comme ils disent ici nous a épargnés jusque là, peu de victimes et peu d’infections.

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Le manque d’hôpitaux, de médecins et de moyens a très rapidement motivé les autorités à fermer les écoles, les magasins dits «non essentiels» et à imposer de fortes restrictions de mouvement et de contact. Il faut remplir un formulaire chaque fois qu’on se déplace. La ville était vide. Pendant un temps même les bains de mer étaient interdits. Les églises orthodoxes étaient fermées à Pâques, les familles séparées, du jamais vu depuis la dernière guerre.

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Actuellement, début mai, les restrictions s’allègent.

 

A la campagne, les gens étaient d’abord incrédules, puis furieux, résignés aussi devant cette nouvelle catastrophe qui s’abattait sur eux après des années de crise économique. Nous avons joué aux apprentis sorciers avec la nature et voilà le résultat ! C’est ainsi que la pandémie est souvent perçue. En attendant que la situation s’améliore, il faut s’occuper des animaux ; des moutons, chèvres et poules, cultiver les plantes des potagers et faire les mille et une choses qui permettent de vivre quand l’activité économique est à l’arrêt. «Ils veulent nous transformer en moutons, en esclaves !» me dit une femme en me montrant sur son téléphone un implant d’un chip de surveillance médicale. «Qui sait qu’est ce qu’ils vont nous injecter avec le vaccin ?» La peur des «autres choses», desquelles personne ne parle est plus grande que la peur de la maladie.

 

À côté de ça, on garde la bonne humeur et les blagues vont bon train.

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Dans la langue grecque il y a deux mots pour vie : Zoí, la vie nue, et Bíos, le mode de vie, la forme qu’elle prend. La perception de la vie et du temps n’est pas la même qu’ailleurs. Peut-être la lumière, la mer, les tempêtes et les montagnes ont inspiré les philosophes ?

 

Giorgio Agamben a parlé depuis des années de l’état d’exception permanent. Dans cet état il n’y a plus de lois ni de droits. On est gouverné par décrets et sans recours devant des décisions arbitraires.

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Qu’un tel état s’instaure dans le monde entier à cause d’un virus est particulier, un genre de dictature technocratique ou médicale, sans dictateur attitré. La vie privée est en train de disparaître, la vie publique telle que nous l’avons connue, aussi. Pendant que Corona domine tout, les dirigeants se basent sur les avis des spécialistes, médecins et chercheurs, qui apprennent à connaître la nature du virus. Dans chaque pays on compte les morts, évalue les capacités des hôpitaux et décide ce qui est à faire et ce qui est à interdire. Les médias sont sous surveillance plus étroite partout. Des sujets hier encore brûlants ne sont plus évoqués que rarement ou plus du tout.

 

Je ne vois pas cette pandémie comme une crise sanitaire. C’est un état des lieux, l’apparition du virus nous montre à quel point les humains sont malades. Dans le système capitaliste, animaux, plantes, l’air, l’eau, les personnes, – tout est marchandise. Maintenant, dans les pays riches, même avec le Covid-19, on meurt beaucoup moins que dans des pays pauvres en temps «normal». Les nantis parlent de subventions, d’allègement fiscaux alors que la grande majorité de l’humanité vit dans la pauvreté, manque d’eau potable, d’équipements basiques de santé et de nourriture. Au lieu de partager équitablement les ressources et les moyens, les pays riches ne fournissent pas ce qui fait cruellement défaut ailleurs.

 

Bien vivre est et sera réservé aux personnes qui ont les moyens de se payer des tests, de bons soins et qui ne meurent pas de faim si elles ne travaillent pas pendant quelques jours ou semaines. Les uns ont peur que quelque chose pourrait changer, les autres espèrent qu’une prise de conscience aura lieu, que beaucoup plus de personnes comprennent que le mode destructif de vie ne peut pas continuer indéfiniment. A chaque personne de voir dans quel monde elle veut vivre et agir en fonction !

 

Vivre à distance, si une telle vie est possible, va produire des personnes différentes et une toute autre société. Encore plus froide et individualiste ? Encore moins d’hospitalité ? Encore plus d’inégalités ? Je ne crois pas que la santé peut se préserver grâce à des mesures qui en même temps protègent et rendent malades. Il faudra vivre avec le virus, pendant longtemps. Les moyens déployés, trackage, surveillance, distance et tests etc. ne visent pas que la santé publique.

 

N’étant pas médecin ni suffisamment informée, je ne critique pas les mesures prises ici et ailleurs encore que certaines choses paraissent incompréhensibles. Je critique l’absence de débat quant aux implications de l’état d’exception et des conséquences de ces mesures.

 

Bien regarder ce qui se passe et faire tout le possible pour rétablir de l’équilibre est essentiel. Ça fait très longtemps que le monde déprime, il est temps d’y opposer des choses positives et joyeuses. En Grèce comme ailleurs, créativité, philosophie, réflexion et humour sont à la portée de tout le monde. Le soleil faiblit sous un voile de nuages, je vous laisse à votre imagination.

 

Les masques nous privent des sourires, alors c’est avec un grand sourire que je vous souhaite le mieux !

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© Mosaïque - Jean-Pierre Coiffey 2020

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