À J 49 et À J 47
Ewa Grzegorek
Je m'appelle Ewa, j'ai 30 ans et je suis polonaise.
Je vis à Caen, en France depuis maintenant plus de 11 ans, ce qui est la résultante d'un scénario plutôt banal. Je suis arrivée en France pour faire mes études supérieures (la vie est alors une aventure extraordinaire pour une jeune qui brave seule un début de vie adulte à l'étranger).
Malgré ma rapide intégration en France, je pense souvent au retour en Pologne où est toute ma famille, mes amis les plus proches et ma ville natale adorée Wroclaw. Puis, pendant ma première année de master je rencontre mon mari et je reste.
Mariés depuis presque 3 ans, nous avons emménagé dans notre propre appartement il y a moins d'un an.
Le 4 mai 2020,
A l'arrivée de la pandémie et du confinement, nous nous félicitons pour nos deux spacieuses terrasses – devenus lieux d'activité incontournables ! On y jardine, on y fait du sport, on y mange, on y bouquine, on y prend l'apéro!
Dès le début du confinement, bien que surprise et un peu perturbée par cette mesure radicale, je suis plutôt heureuse de prendre du temps pour des choses simples – cuisiner, faire de la lecture… Je me prends au jeu du "confiné exemplaire" – celui qui utilisera ce temps de manière utile. J'enchaîne donc les séances du yoga et les leçons d'espagnol en ligne, je me dépasse en cuisine et j'ajoute à ma collection de nombreuses photos de plats plus beaux les uns que les autres. Cette ambiance du "slow life" me fait du bien et mon mari au chômage depuis janvier se réjouit d'avoir de la compagnie à la maison.
Je continue à travailler depuis la maison. Le confinement n'altère pas vraiment ce que j'ai à faire. Chargée de projet dans une grosse association qui accompagne les jeunes vers l'emploi et l'autonomie, je peux aisément avancer sur les dossiers et préparer les bilans d'activité depuis mon salon. Ce qui est largement moins bien que le contact humain ce sont les réunions avec les collègues en mode visio ou audio. En contrepartie, le télétravail, une fois qu'on a pris le pli, permet indéniablement de baisser le niveau de stress grâce à une certaine souplesse dans l'organisation quotidienne et l'absence des trajets.
Décidée à voir le verre à moitié plein, je trouve pas mal de bons côtés à cette situation.
Cependant, il y a bien quelque chose qui me tracasse. Bien installée en France depuis plus de 10 ans, je continue à me rendre en Pologne en moyenne 3 fois par an ! En parallèle, j'accueille aussi les proches qui me visitent en France. Grâce à ces contacts réguliers, je ne me sens pas vraiment expatriée, déracinée, isolée, éloignée et là, le virus qui nous a pris en otage risque de chambouler mes habitudes… et ce pour un moment… Sur ce coup, la disponibilité d'innombrables appli. pour des contacts à distance ne me console pas vraiment.
Le confinement strict se terminera dans une semaine. Je suis impatiente de sortir, de voir des proches et de bouger dans un périmètre supérieur à 1 km ! Il est temps quand-même, nous sommes à J 49 !
Ce décompte s'accompagne pour moi d'un autre décompte – J 47 – découvert il y a environ 2 semaines ! J'ai un locataire confiné dans mon ventre pour les 7 mois et demi à venir!
© Mosaïque - Jean-Pierre Coiffey 2020