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LES ARCS-EN-CIEL   -   IL Y A    -     TANT QUE J'AURAI UNE  ÂME

RÉCIT VIRAL 

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Jill Côté

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Avant même d’aller à la maternelle, Jill rêvait « d’apprendre à écrire ». Au primaire et au secondaire, on la surnommait « Jill Vigneault (1)».

 

Jill dépeint des tableaux sur des fonds de vérité, en profondeur de sentiments, toujours bercés par une certaine poésie inébranlable sous tous les vents et les paysages de son enfance, sur le bord des grèves et des galets de son pays (qui se marche à la bottine) !

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Rédigeant sous chair de poule, sous chair de peau, dans un style cru, poignant et un silence hurleur. Gagnante de plusieurs prix littéraires depuis l’enfance, après des études en littérature et communications publiques, un métier d’infirmière de rue, Jill en est aujourd’hui revenue à l’amour de sa vie, soit « écrire pour exister »…

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Je réside à Beaumont, rive-sud du fleuve Saint-Laurent, à la hauteur de l’île d'Orléans , pas bien loin de la ville de Québec.

J’ai deux fils de 17 et 21 ans. Divorcée, je vis seule avec mes chiens.

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1  Jeu de mot avec le nom du grand chanteur québécois Gilles Vigneault. (Note JPC)

Le 18 mai 2020,

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LES ARCS-EN-CIEL

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Le monde est tombé malade comme nos destins

Dans les venelles des grands désespoirs humains

Fallait se terrer dans nos chaumières

Fallait oublier son voisin graffigner nos quotidiens

Sur des routes de nos vies devenues désertiques

Des arcs-en-ciel jusque sous les fenêtres

Qui tissaient nos nuits noires dans leur musique

Pour hurler l’espoir jusqu’au fond des regards

On en a tapissé tous les trottoirs jusque dans le noir

Je me terre encore sous mes lucarnes

J’ai peur que cette chose accroche mon âme

Dans cet invisible qui tue l’espèce

Je n’ai pas choisi de crever dans cette pièce

Lorsque les horloges se cassent le long des murs

Même si je braille encore ici la vie est dure

J’entends ta voix qui résonne dans un long murmure

Je me perds dans la piaule qui gémit ce mal de vivre

Lorsque les murs dégoutent de tous nos sanglots

Je contemple les arcs-en-ciel qui tressent tous mes chemins

Jusque dans tes yeux pastel au bout du fil des jours

Comme tout ce qui m’anime lorsque je jase d’amour

Un morceau d’existence

Ne sommes-nous pas Voleurs de délivrance ?

Je sortirai aujourd’hui même si ce n’est pas permis

J’irai farfouiller dans les herbes hautes jusqu’à la rivière

Pour qu’elle coule en moi comme ce désir de revivre

Tu me verras courir avec mon masque

Où seuls mes yeux laisseront leur trace

Tu m’entendras chanter jusque dans mes dentelles

Puisque la vie reviendra sous les arcs-en-ciel


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IL Y A


 

Il y a

L’effluve de ton piano dans l’escalier

Je ronge ma mémoire au fond des cendriers

J’ai mis ma robe de mariée ma robe de fée

Au fin fond de la grange pour que tu puisses encore m’aimer

Je danse avec ce feu dans ma crinoline

Parce que parfois la vie me semble si vide

Je t’ai mis au monde de par le vent

Je t’ai donné le souffle d’un humain dans le temps

J’écris à l’homme qui a déposé ses pas sur moi

Avec ses doigts qui courent sur le piano maintenant

Car pour toujours ta mère ta mer

C’est moi

L’ivresse de ton piano dans l’escalier

Pliée en deux là à brailler à respirer

Je n’ai plus de mots juste pour l’amour

J’ai plus de sanglots juste pour rien de rien

Si c’est ça la guerre moi je capitule

Même si j’ai tout pour me battre jusque dans ma bulle

Si jamais c’est la fin des soleils de l’amertume

Je grimacerai jusque dans mon cercueil les soirs de pleine lune

Je courrai jusqu’au bout de ton pavé sous les galeries

Je crierai ton prénom jusque dans les catacombes mes cris

Car moi j’ai déjà été habitée de ton eau salée ton ombre mon fruit

D’un humain qui voulait s’accrocher définitivement à mon sein

D’un amour que j’ai inventé de la paix aux souffrances au destin

Sur toutes les collines de la délivrance enfin

C’était de la liberté dont je te jasais je pense

Celle qui enivre jusqu’aux soirs qui penchent

J’ai choisi la couleur de ton château mon ange

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Il y a

Ton piano qui tangue dans l’escalier

Avec l’essence de ma mémoire d’encre

Jusqu’au bout de chaque parcelle d’espérance

Si les mots débordaient du clavier des nuances

Le crépuscule de bois s’installe pour de bon

Moi voilà seule encore un soir de longs déboires

J’ai pas choisi de me faire lire

Je me sens libre par compassion

Ma vie est devenue une obsession une belle prison

Si un jour on est libres quand nos liens se soudent

Regarde-moi toujours les yeux dans les yeux sans cligner sans larmoyer

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Il y a

Ton cadavre de petit humain vieillard de désespoir

À maquiller à enterrer pour que ça finisse

Un moment donné

De cet escalier dans ma robe de mariée les yeux dans l’eau le moral à terre

Avec ton piano qui résonne encore

Jusque dans tous les abysses de nos habits dans nos pays

Avec tous les cœurs hantés

Des hommes qui ont peur du noir

Ton piano hurle dans mes mémoires

Tes doigts frôlent le clavier avec tendresse

Tu étais amoureux de ce piano

J’ai quitté la planète sans te dire un mot

Si c’est ça la guerre moi je capitule

Je ne suis pas le genre de dame qu’on bouscule

Je me promène sous tes galeries

Tu vas me jaser jusqu’au bout des ombres

Je t’ai contemplé jusqu’à ce que tu deviennes un homme

Je suis désolée pour la tuerie qu’est la vie

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Il y a

Ton piano à qui j’ai donné naissance

Du lait qui coulait dans nos corps en transparence

Je jetterai ma robe de mariée par-dessus bord

J’irai voir le docteur des âmes pour lui avouer

Que ton piano jalonne chaque parcelle de ma peau

Mais il n’existe pas d’antibiotique

Pour l’amour problématique chaotique

Où se bousculent dans ma tête des chansons de ton prénom

J’irai sur la grève pour m’excuser

Te défiler le bilan de tous mes pardons

Et dans le vent toute ces rêves cette bourrasque

Je t’aurai dit adieu jusqu’au fond des crépuscules.


 

TANT QUE J’AURAI UNE ÂME


 

Tant Que J’aurai Une Âme

Tant que j’aurai une âme

Tant que mon cœur s’enflamme

Tant que je serai une femme

Tant que le vent bercera ma peau

Tant que mes yeux flotteront dans l’eau

Ou que je brandirai mes idéaux

Jusqu’au bout des larmes jusqu’au fond des cendres

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Tant que j’aurai une âme

Tant que les volcans cracheront mes drames en drapeaux

Sous les chemins d’étoiles où mènent mes nuits noires

Parfois dans les ombres de mes longs déboires

Tant que la lune éclairera mes pas jusqu’à la fin jusqu’au trépas

Si les horloges se cassent le long des murs

Pour ne plus hurler le temps qu’il me reste qui me blesse

Tant que j’aurai le corps chaud le cœur dur

Jusqu’à la fin des encriers des grands murmures

Tant que mes plaines sans peine resteront sous les fenêtres

Avec le Fleuve à mes pieds dans l’écume blanche des rêves flous

Si je tiens debout jusqu’au bout de mes songes quelque part

Je chanterai ici même s’il est bien trop tard

 

Tant que j’aurai une âme

Avec de l’échine et des os

Tant que mes armes ou mes larmes exploseront des mots

Pour bercer l’humanité jusqu’à la fin des soleils

Tant que les phares des fiords rallumeront mes nuits sans sommeil

Si les quartiers s’animent au chant des clochers

Avec les enfants qui dansent sur les rochers

Je serai le chant vous serez mes tambours

Je deviendrai la pluie la brume vous serez mes amours

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Tant que j’aurai une âme

J’allumerai vos feux vos flammes

Tant que je serai vivante

Je casserai toutes les horloges pour tuer le temps

Je bousculerai les vapeurs de vos noirceurs avec le vent

Tant que je serai une femme

Tant que ma voix sera ma seule arme

Je resterai ici dans ma robe de larmes et de dame

Je chanterai jusqu’au bout de ma vie dans le fond des brouillards

Je traverserai l’océan frêle de tous vos regards hagards

Je vous prendrai dans mes bras comme la fin des hasards

Tant que j’aurai une âme

Tant que j’aurai une âme

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RÉCIT VIRAL

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Une époque incertaine.

Mars 2020. Un nouveau virus du jour au lendemain.

Fallut fermer la porte. La porte des humains.

Fallut agrandir le congélateur, cloîtrer les sages des enfants, fallut sortir nos guenilles pendant l’hiver.

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On a vu les bourgeons par les lucarnes. Les volées d’oies blanches qui dansaient derrières nos vitrines étranges. On a vu la neige se fondre de l’intérieur. On s’est rongé les bottines ici, d’ailleurs. On a mis des masques sur tous nos visages pantois, les regards hagards, tous contaminés. On a cessé de s’embrasser. S’embrasser au-delà des mots, mais s’embrasser pour toujours. On sortait les petits vieux morts dans des frigidaires ambulants, l’armée s’en mêle encore même si on en oublie vite les relents les délais les deadlines si on est toujours vivants. C’est probablement ici que commence le chaos. Quand y fait noir même en plein jour. C’est toujours lorsqu’on se sent à l’abri que survient le pire.

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On jasait depuis des lustres sur Internet, où le Facetime devint alors rapidement une option. Un jeu. Où nous scrutions en direct nos visages comme pour la première fois se frôler, de l’intérieur, avec des soupers à la chandelle dans mes dentelles chacun à nos tables, virtuellement, avec les regards perdus, les histoires de licornes, tes yeux d’arcs en ciel qui déborde.

Le sentais-tu en moi ? Le voyais-tu à travers ton écran ? Ça qui m’enivrait, m’inondait, me persécutait, le bonheur au front. Oui, dans l’hiver, ces temps incertains, nos portes barrées, nous avons fait l’amour sans se détourner des barrages. Telle une ferveur, une rage de vivre, d’assouvir ce confinement total fatal dans chacune de nos piaules de misérables ? Par-delà la frontière fallait tenter la traversée de tous ces barrages policiers partout dans nos contés. Conte-moi qu’on crèvera ensemble. Avec nos corps qu’on découvre qui ondulent dans cette nouvelle vie parallèle de ce virtuel il me semble en transparence presque cruelle.

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© Mosaïque - Jean-Pierre Coiffey 2020

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