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RÉFLEXIONS

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Diane Norman

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J’ai la double nationalité britannique et canadienne. Je vis au Québec depuis 52 ans, après avoir été domiciliée 17 ans en Angleterre, 3 ans à l’île Maurice, 3 ans aux États-Unis et 2 ans en France.

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Je suis retraitée. J’ai été nutritionniste communautaire et ensuite famille d'accueil pour 4 adultes avec déficience intellectuelle et problèmes psychiatriques avec violence.

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Je suis divorcée et je vis seule à Montréal. J’ai 4 enfants, 9 petits-enfants : tous francophones vivant à Montréal

 

Le 8 mai 2020,

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Le chant des oiseaux. Le bruissement des feuilles. Le silence.

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Les nuits étoilées.

 

Les salutations souriantes lors des promenades solitaires.

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Un retour à l'enfance des années quarante. Avant le pétrole, avant le plastique, avant les véhicules, avant les avions, avant la télévision, les ordinateurs, les portables, avant la pollution sonore, chimique.....

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Avant les antibiotiques et les couches en papier.

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Avant la réclusion des aînés.

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Mes grand-parents sont morts à la maison. Avec leur fille et les petits-enfants qui en prenaient soin. Sans incontinence, jusqu'à la fin. Car sans antibiotiques les décès faisaient suite aux défaillances d'un système immunitaire vieux et insuffisant.

Mon grand-père est mort d'un pneumonie après une une bronchite à l'hiver 1949. Son corps dans un cercueil au salon de notre maison.

Ma grand-mère est décédée d'un cancer inopérable. Notre amie infirmière venait administrer les injections de morphine. Je partageais la chambre, j'écoutais les gémissements. À l’île Maurice, j'avais 15 ans. Ma grand-mère, la personne que j'aimais le plus au monde. Elle voulait que je reçoive l'éducation qui fut impossible pour elle. La fille d'un milieu pauvre, elle travaillait à 14 ans au moulin de coton. Selon ses volontés, je l'ai quittée, sans pleurs, pour mes examens en Angleterre. Un avis de décès fut la première correspondance que j'ai reçue là-bas, sans pleurs.

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L'isolement imposé par le Covid-19 ? Il y a longtemps que j'ai appris à bien vivre l'isolement. Dans ma tête je ne suis jamais seule...

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Par un grand coup de chance, je passe cette pandémie en Nouvelle-Zélande avec mon frère. La première fois que nous passons du temps ensemble depuis mon départ pour l'Angleterre en 1958. Avec lui je peux remémorer notre enfance, entourés ici des fleurs tant chéries par notre mère. Et chaque midi écouter avec plaisir Jacinda Adern, une première ministre pour qui les vies ont la primauté sur l'économie.

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Car la mort rôde autour. Le décès d'un ami en Écosse, plus en forme que moi, amène des réflexions sur ma propre mort. Comment va-t-elle être ? Vais-je refuser les antibiotiques dès maintenant, ou attendre pour me libérer avec un patch de Fentanyl ? Je veux tant voir mes arrière petits-enfants...

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Je vais au parc. Je place ma joue sur le tronc d'un centenaire. Je tourne mes yeux vers la cime. La sève remonte, mais les feuilles tombent. Elles vont renaître. Mort et résurrection.

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En quelques semaines la société de consommation a périclité. Pour laisser place à un embryon de compassion, une autre façon de vivre. Plus humaine, en prenant soin les uns des autres. À nous de décider de l'avenir.

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© Mosaïque - Jean-Pierre Coiffey 2020

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