Le 2 avril 2020,

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Dans notre société organisée, contrôlée, surgit un jour le coronavirus, tueur en série échappé d'un enfer ignoré. Sitôt prouvée sa nocivité, par la multiplication des morts, il fallut tenter de s'en protéger. La nature humaine étant ce qu'elle est, diverse, inattendue ou tristement prévisible, espiègle, imbécile ou géniale, insoumise, l’État dut édicter des réglementations pour faire respecter les mesures de confinement, seule solution – pis aller – en l'absence fâcheuse de masques et de tests.

 

Dès qu'une réglementation est promulguée, certains, (la nature humaine, souvenez-vous), n'ont de cesse que de la contourner, la bafouer, l'ignorer, ou la combattre. Je ne suis généralement pas un délinquant, je ne traque pas le décret à contrecarrer, je n'ai rien d'un anarchiste, mais, marathonien chevronné, deux fois centbornard (2), comment allais-je me satisfaire d'une interdiction de courir plus d'une heure, dans un périmètre réduit à un kilomètre autour de mon domicile ? Comment mon organisme, habitué aux sorties longues dans la nature, allait-il réagir à cette privation de ses repères habituels ?

 

Pour que la maréchaussée puisse contrôler que je respectais bien la loi, je devais porter sur moi une attestation indiquant mon adresse et l'heure de départ de mon domicile, en plus de ma carte d'identité.

Alors, l'agacement porta conseil, et je fus poussé à la transgression. Je rédigeai deux attestations : l'une indiquant que j'étais parti de chez moi à 8 h 30, l'autre déclarant que j'avais quitté mon domicile à 9 heures. Pour ne pas exhiber la mauvaise attestation au moment du contrôle, je mis la première dans ma poche de devant, la poche d'aine, et la seconde dans ma poche de derrière, la poche de fesse. Surtout ne pas se tromper de poche ! Je pus ainsi courir une heure trente dans mon quartier.

 

Bien sûr, mon stratagème n'était pas parfait. Un agent dissimulé dans un buisson le long de mon itinéraire – des boucles variées dans un sens puis dans l’autre - aurait pu noter l'heure de mon premier passage, puis m'interpeller lors du second. Mais il n'y a pas beaucoup de buissons sur ma route urbaine, et encore moins d'agents à l'affût, prêts à procéder à une fouille au corps. Un autre, en consultant mon téléphone portable, que j'emporte toujours au cas où, aurait pu, grâce à cette fameuse géolocalisation, me confondre. Mais on n'en est pas encore là. On peut toutefois craindre que de telles pratiques adviennent. Je privilégie évidemment l’attestation manuscrite, heureux de n’avoir pas de smartphone.

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Je savais que les arguments que j'avais préparés pèseraient de peu de poids, car la loi, c'est la loi. Pourtant, je courais – c'est le cas de le dire – moins de risques de rencontres et de promiscuité contagieuses à trottiner un samedi à 9 h du matin qu'à me rendre dans un supermarché, démarche cependant autorisée.

 

Jusqu'ici tout va bien, je récidive, avec le plaisir combiné de l'exercice physique et de la transgression. Je préserve ainsi ma forme physique et ma santé mentale.

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Dominique Achille 

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(1)  Et aussi écrivain

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Publications :

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- Le Ticket Doux, (Collectif), Recueil de nouvelles, éd. Université de Rouen, 1991. (Dominique Achille est lauréat du concours. Le titre du recueil est celui de sa nouvelle).

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- Martin Luther King à Lyon, (Collectif), éd. Mémoire Active, 2012. (Témoignages relatifs au passage de M.L. King à Lyon en 1966).

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- Le lycée du Parc, 100 ans d'histoire, (Collectif), éd. Lieux Dits. 2014. (Contributions au centenaire du lycée du Parc de Lyon).

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- Dictionary of Caribbean and Afro-Latin American Biography, (Collectif), éd. Oxford African American Studies Center, Oxford University, U.S.A., 2016. (Article consacré à Louis T. Achille dans le dictionnaire des biographies caribéennes et afro-latines de l'Université d'Oxford (U.S.A.)

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- Malencontres, Recueil de nouvelles, éd. Premedit, 2017.

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(2) Qui court 100 km … si, si c’est possible !

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© Mosaïque - Jean-Pierre Coiffey 2020

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