LE PRINTEMPS FOUT LE CAMP
#YO ME QUEDO EN CASA
Lili Saint Laurent
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J'ai 48 ans. Je suis relieuse de profession et j’étais restauratrice de livres pour une grande institution.
Il y a 11 ans, je suis partie rejoindre mon mari aux Pays-Bas (5 ans), j’ai fait de la pâtisserie puis j’ai fait à nouveau de la reliure en freelance (livres d’or sur mesure pour les anniversaires, naissances, mariage, etc.).
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Depuis 6 ans, je vis à Madrid en Espagne. Je suis devenue poète, ai édité un recueil de poésie, continue un peu la reliure et anime mon blog : Fils de Park's.
En septembre dernier, nous avons mis en scène mes textes et poésie pour une soirée de récital au théâtre de la Huchette, à Paris.
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Fragments dopaminergiques, mise en scène de Rémi Prosper avec Jean-Claude Drouot, Pierre et Emma Santini, Frédéric Bellanger et Lili Saint Laurent.
Le 18 mars 2020,
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#YoMeQuedoEnCasa
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Que se cache-t-il derrière cette incantation étrange qui fleurit sur les réseaux sociaux et sur les devantures des boutiques espagnoles ? Une phrase : ” Moi, je reste à la maison”. Un acte qui semblait d’abord relever d’un choix personnel, mais qui vient d’être entériné par plusieurs pays européens.
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On parle de “confinement” et moi, je rigole doucement… J’y vois enfin, une occasion de partager notre expérience sur le handicap et la maladie chronique !
Moi, ça fait plus de 10 ans que je suis assignée à résidence
Dès 2012, j’avais d’ailleurs écrit sur ce sujet, voir ce lien : Why are we on the side ? La question était simple : comment intégrer de manière plus juste et plus humaine les personnes handicapées dans la société civile ?
Car aujourd’hui, être jeune et malade pose toujours question quand cela s’inscrit dans la durée. On se retrouve vite dans une zone floue : on n’est plus apte à travailler sans aménagement spécifique (temps, matériel, etc.) mais dans le même temps, il n’est pas facile d’en obtenir la reconnaissance concernant la maladie de Parkinson. Cela se conclut trop souvent par une mise en invalidité d’office qui conduit à un isolement physique et moral important et trop souvent négligé.
Mais quand le confinement est imposé à l’ensemble de la société il créé un déséquilibre
L’impact est plus grand, et tout à coup on réalise qu’il est possible de s’organiser différemment. Le télétravail devient un prérequis, et rapidement tout se met en place pour soutenir l’activité professionnelle. Ne croyez pas que j’en prends ombrage, bien au contraire ! Je suis d’un naturel plutôt optimiste et…
J’espère seulement que cette crise sera l’occasion de bousculer nos certitudes
Car nous vivons un moment très difficile et anxiogène. Si l’on rajoute le fait qu’on doit rester chez soi 24/24. C’est peu ou prou ce que nous impose une maladie chronique : un rythme particulier, une astreinte de vie en permanence…
Il faut apprendre à s’aimer et accepter de se décentrer pour ne pas sombrer. Ce n’est pas simple, mais c’est possible et c’est le seul moyen pour que cette situation ne devienne pas explosive !
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Changer de focale
Ne plus viser uniquement le matériel, mais surtout le bien-être collectif. La solidarité plutôt que l’exclusion. C’est ce que je nous souhaite parce qu’il faut trouver un sens à tout cela !
Et c’est aujourd’hui à cela que je pense quand on me parle de “confinement”. Finalement, nos chemins ne sont pas si éloignés ! La seule différence, c’est que nous, nous le faisons en solitaire…
Je dédie ces quelques lignes et tout mon amour à Marion et à toutes les personnes, personnels soignants et particuliers, qui se dépensent sans compter pour que ce cauchemar cesse rapidement ! Et je plains sincèrement ceux qui ne profitent pas de cette épreuve pour s’éloigner de leur nombril…
Affectueusement,
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Lili
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Lili Saint Laurent © 2020
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Le 31 mars 2020,
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LE PRINTEMPS FOUT LE CAMP
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Le jour se lève
Mais Madrid à l'arrêt
Loin de ses rêves
Panse ses plaies
Plus d'âme qui vive
Silence assourdissant
Seuls les oiseaux ravivent
Les souvenirs d'antan
Un grain de sable
Pour enrayer
Un monde instable
Qui se croyait privilégié
Une mise à terre
Si violente et subite
Qu'en enfer
Elle nous précipite
Les mimosas en fleurs
Et les bourgeons naissants
La peine est dans nos cœurs
Et le printemps fout le camp !
Dans ce chaos sournois
Force est de constater
Que le chacun pour soi
Toujours peut exister
Honte à ceux qui usent
De ce temps de détresse
Pour leur propre cambuse
Ne pensant qu'à leurs fesses !
Et le monde confiné
Dans une course folle
À du mal à freiner
Ce virus qui s'affole
Doit reconsidérer
Son mode de fonctionnement
Pour ne pas sombrer
Au firmament
Les mimosas en fleurs
Et les bourgeons naissants
La peine est dans nos cœurs
Et le printemps fout le camp !
Il est là notre défi
De ce temps incertain
Et de cette incurie
S'envoler vers demain
Ne pas rater le train
Qu'on peut prendre aujourd'hui
Choisissant le ravin
Comme ultime pari
Une prise de conscience
Une réflexion posée
Pour que ce monde en cadence
Puisse de nouveau tourner !
Ainsi les mimosas en fleurs
Et les bourgeons naissants
Apaiseront nos cœurs
Comme un second printemps !
Lili Saint Laurent © 2020 - Fils de Park's