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RALENTIR POUR MIEUX RESSENTIR

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Joanne Vignola

Je suis Joanne, une femme de Coeur au Bonheur facile.

Je suis Québécoise, née dans le Bas du fleuve, d’où mes parents sont originaires mais je n’y ai jamais vécu.

 

J’ai 2 domiciles, et je vous écris de celui qui est au Nord, Nord du Québec. Je vous écris du Nunavik et plus précisément dInukjuak, sur la côte de la baie d’Hudson, distant de 1500 km de Montréal, mon autre domicile et accessible que par les petits avions de la compagnie Air Inuit.

 

J’y exerce en tant que travailleuse sociale communautaire et mes collègues sont des femmes inuites.  

Le 2 juin 2020,

Depuis début mars 2020, j’entreprends ma cinquième année de travail à la Maison de la famille d’Inukjuak, coupée par une année de pause au Sud, mon autre domicile, soit Montréal. Je voulais prendre soin de ma mère Suzanne, la grand-maman de Mikhaëlle qui a aussi écrit sur ce blogue et qui parle justement de sa grand-maman.

Après cette année de pause du Nord, cette terre gelée une grande partie de l’année, ces communautés où l’adaptation fait partie du quotidien et devient essentielle pour notre bien-être, j’aurais pu décider de rester à Montréal mais l’appel était clair. Le Nunavik et les Inuit m’appelaient.


Je dois mentionner que je n’étais pas en congé de travail au Sud mais continuais d’y exercer ma profession en tant que travailleuse sociale scolaire, soit dans les écoles, 4 jours / semaine.

L’une des raisons qui m’a ramenée au Nord est cette forme de confinement que l’on accepte de vivre lorsque l’on vient travailler en région éloignée. Or, ce confinement incontournable m’a équilibrée, moi la femme passionnée et plutôt active. J’ai beaucoup d’intérêts dans la vie, beaucoup d’amiEs et je prends soin, tant de mes intérêts que de mes amiEs. Ça me faisait donc une vie bien occupée, sans parler du travail qui, malgré l’amour que j’y porte, est devenu dans nos sociétés un devoir de performance, une source de pression, de stress et parfois, entre autres dans mon domaine, de limites hors de notre contrôle.

Nous vivons dans un monde tellement accéléré et moi, ce que j’aime dans la vie, c’est PRENDRE MON TEMPS. Je ne suis pas dans la bonne époque. Y en a-t-il déjà eue une ? Ou bien je ne suis tout simplement pas sur la bonne planète. Pourtant, je l’aime ma planète… je l’aime beaucoup. Je la visite, je fais mon possible pour en prendre soin, je la fais découvrir et j’y habite avec tout mon Coeur. Mais je manque toujours de temps.
Comment ça ? Est-ce moi, le temps, l’époque, l’argent, nos dirigeants ?

Pourquoi cette course permanente à laquelle il est difficile d’échapper ?

Le Nord m’apporte un équilibre. Ici, y a pas de resto, pas de bar ni de spectacles, pas de cinéma, de théatre, de musée. Je me dépose ; je lis, j’écris, je dessine, je danse, je vais marcher, pédaler, faire des feux dans la toundra, je travaille et je ne courre pas. Mon agenda personnel est ouvert, peu de réservation, peu de planification. Mes soirées, mes fins de semaine sont en pages blanches et prennent forme progressivement.
«Go with the flow», suivre le courant...

 

Mes amiEs l’ont remarqué, je suis plus calme.

Cette pandémie, malgré toutes les souffrances qu’elle entraîne et j’en suis peinée, provoque un ralentissement chez plusieurs personnes et familles. Pas pour tout le monde car certainEs se dévouent corps et âme pour nous garder le plus possible en sécurité. Mais plusieurs ont enfin le temps de prendre le temps, de respirer profondément, de marcher, pédaler, s’ennuyer, vivre. De sentir sans courir. C’est déstabilisant mais peut-être nourrissant à la fois.

Je venais à peine de revenir à Inukjuak lorsque notre gouvernement a déclaré le confinement à Montréal. J’aurais aimé y être encore pour vivre ce moment hors du commun, car c’est presque surréaliste : MONTRÉAL EN PAUSE. Cependant, avec l’oppression qui a suivi, c’était beaucoup plus confortable dans mon petit village nordique.


Bien sûr, nous avons hâte de reprendre nos activités, nos passions, notre travail car il est bon de se sentir utiles mais allons-nous reprendre cette course ? Allons-nous vouloir reprendre le temps «perdu» ou profiter de ce passage pour en tirer des enseignements et nous réajuster ?

Qu’en sera-t-il des câlins, des accolades, des démonstrations d’affection ? Nos yeux prendront-ils l’initiative de créer le lien en plongeant notre regard dans celui de l’autre ? La distanciation prolongée nous aura-t-elle rendus craintifs ? Aurons-nous peur les uns des autres, peur du rapprochement ? En espérant que non et que notre créativité saura nous accompagner dans ce nouveau chemin.

Pour ma part, j’approche de la retraite, donc en principe d’un ralentissement de mes activités. Je nous souhaite tout de même à toutes et à tous, en tant que peuple, en tant qu’humanité, de prendre le temps de vivre, de voir nos enfants grandir, de découvrir nos talents et de les investir.

Je nous souhaite plus d’humanité.

Bon et Heureux Déconfinement


 

Joanne Vignola XXX

© Mosaïque - Jean-Pierre Coiffey 2020

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